Un jeune chômeur tente de trouver un travail jusqu’au jour où on lui offre un emploi qui n’est pas commun : télé-animateur pour un service de téléphonie érotique… Mais arrivera-t-il à le faire sans embûches ?
Contribution et extrait du livre « Je vois le coup de fil en Rose »
Par Frédéric Espi, Auteur et scénariste.
C’est avec grand plaisir que je m’associe au projet CVStreet, pour vous offrir cet extrait qui est l’ouverture de mon livre, la première d’une série de pointes envers notre société ainsi que les services publics liées à l’emploi (Pole Emploi et feu les Assedic). Je vous souhaite une agréable lecture.
Site web pour commander son livre : TheBookEdition.com.
Tu es au chômage ? Non, on est jamais « au chômage », on dit toujours que « l’on prend du recul » pour « réfléchir à son avenir ».
Bref, ta vie, ça craint du boudin !
Tu t’es inscrit à Pôle Emploi ? N’en espère rien car niveau emploi, tu auras plus de chance de trouver le Père Noël dans le Pôle Nord que du travail au Pôle Emploi : il s’est toujours avéré qu’avec Pôle Emploi, tu ne pourras jamais trouver autant de travail que tu n’en donneras à ton « conseiller », mot sur lequel il serait bon de faire une petite pose étymologique. Peu d’entre nous le savent mais l’étymologie de « conseiller » trouve ses racines du côté de Marseille, lorsqu’un « conseiller » signe son CDI, de joie il s’exclame « Oh con, ça y est ! », et Bernard Pivot se promenant par là et ayant oublié son sonotone à la maison comprend « conseiller »… Tout comme « Pointer aux ASSEDIC » ne signifie pas « actualiser mensuellement sa situation perpétuellement précaire » mais se trouvait être à l’origine la principale activité de ses employés qui pour la plupart avaient un bagage éducatif s’arrêtant au « CAP Pétanque Arts de la boule ».
Ce que confirmera ton premier entretien, dont voici une reconstitution des plus fidèles, un tantinet romancée la réalité étant tellement plus emmerdante :
La conseillère (au téléphone, mâchant un chewing-gum comme une vache ruminant dans un pré) – Ouais, ouais… Non mais franchement, je lui ai dit que ça ne se faisait pas !… Ouais, Ben ouais, écoute, j’ai un rendez-vous… Ouais, ouais, ouais… Sérieux ? Ouais… Ouais… Bon allez, je te laisse. Je te rappelle, ouais, je te dirai ça quand mon vernis aura séché ! C’est cool, bisous ! (elle raccroche et réalise à peine que vous vous trouvez dans son bureau) Et bèh alors ? Fallait s’asseoir ! Et ce n’est pas poli d’écouter les conversations des gens !
Toi – Je suis désolé, mais on avait rendez-vous et…
La conseillère (qui en plus d’avoir « ouais » comme seul mot de vocabulaire ne s’avèrera pas plus gracieuse qu’une péripatéticienne) – Vous avez amené votre dossier rempli ?
Toi – Je l’avais déjà rempli sur Internet et…
La conseillère – Ce n’est pas vrai, on vous le dit qu’il faut le remplir en plus de le pré-remplir sur Internet ! Vous vous rendez compte le temps que je perds à aller le chercher sur l’ordinateur… Je travaille, moi ! Franchement, vous avez tout le temps pour le faire, vous !
Toi – Je suis désolé, mais…
La conseillère – désolé, désolé, et moi aussi je suis désolée, regardez : mon vernis pas sec fait des traces sur le clavier ! Il va falloir que je le refasse ! Bon, vous avez amené les pièces demandées ? Car je suis sûre que vous n’avez pas eu la bonne idée d’apporter des photocopies avec vous… Je me trompe ?
Toi – Non, je n’ai pas de photocopie, malheureusement !
La conseillère – En plus il va falloir que je me lève et que je marche jusqu’à la photocopieuse ! Je perds du temps, je suis payée au chômeur reçu, moi ! Je te raconte pas la prime que j’aurais avec des gens comme vous !
Elle se lève, mais ne se bouscule pas et va te faire poireauter, comme d’habitude !
En dix minutes, elle a eu le temps de discuter de son vernis foiré, ses problèmes de couple, sa mère malade et même de pester contre les chômeurs qui ne remplissent pas les dossiers et apportent des originaux au lieu de photocopies. Dans ces cas-là, tu te conseilles de ne surtout pas te sentir visé, car au fond, si tu es chômeur, ce n’est pas de ta faute, mais celle de la crise (excuse favorite des employeurs pour virer à tour de bras et des chômeurs qui aimeraient abuser du système tout en mettant le déficit public sur le dos des immigrés… Qui ne l’a jamais fait ? Ne me regardez pas comme ça, on l’a tous fait ou pensé tellement fort même en votant socialiste !).
Elle rentre dans la pièce, une tornade serait plus discrète ! Et là, elle te regarde, cherchant quelque chose à te reprocher… C’est ce qu’on a toujours appelé « le complexe de supériorité de l’ANPE ».
La conseillère – Et bèh alors ? Vous n’avez pas rempli votre dossier ? Franchement, à quoi vous servez, les chômeurs ?
Toi – Et les photocopies ?
Vous vous regardez, car vous savez tous deux que vous n’avez pas assuré, sauf que toi c’est occasionnel et elle, c’est… quotidien ! En soufflant, elle repart pour dix autres minutes. Tu remplis ton dossier en gardant ton calme ! Bon : nom, prénom, adresse, ça, tu gères ! Après, tu te sens complètement perdu dans un bordel innommable de cases à remplir, de signatures à poser pour finir sur l’éternelle attestation sur l’honneur…
Depuis le temps que tu mens sur ce genre de papier, ton honneur est sûrement perdu quelque part entre les Limbes et l’Enfer.
Mais c’est fini, et la charmante conseillère revient, avec en plus des photocopies une tâche de café sur son décolleté et une haleine de cendrier… Une photocopieuse qui te fait café-clopes, t’achètes ! Mais, on se perd.
Tu lui donnes ton dossier dûment rempli, qu’elle met de côté.
La conseillère – bon, vous l’avez déjà pré-rempli sur Internet donc pas la peine de vérifier. Je vous fais confiance.
Toi – Ah ?
La conseillère – Mais oui, on n’est pas des monstres… Je vois dans votre dossier que niveau études vous vous êtes arrêté à un BTS ? Ca ne va pas être facile de vous caser, à vous ! Ce que je peux vous proposer, c’est un emploi d’agent de surface technique en milieu sensible au contact d’une clientèle âgée… en gros, vous torcheriez le cul des vieux entre deux serpillères.
Toi – Je ne pense pas posséder les compétences requises pour ce genre d’emploi, et…
La conseillère – Mais si, quand vous torcherez les fuites urinaires de Mamie Lulu, imaginez-vous en train d’assister Angelina Jolie… Ce sera en somme ce qu’on appelle « un transfert de compétences ».
Toi – Ah ? Vu sous cet angle…
La conseillère – Et bien voilà, on commence à voir le bout du tunnel. Faites-moi plaisir, postulez, et si ça ne marche pas, vous cherchez de votre côté et on fera le point à notre prochain entretien ! D’accord ?
Toi – Prochain entretien, qui aura lieu dans…
La conseillère – On va dire dans six mois… Ca vous convient ?
Toi – Pas avant ?
La conseillère – Mais non, profitez du RSA, détendez-vous ! Profitez des vacances !
Toi – Ah ?
La conseillère – Alors, heureux ?
Toi – Oui, très heureux !
Tu quittes son bureau, et une fois devant ton Pôle Emploi, tu réalises que tu as perdu une matinée. Mais rassure-toi, tu la rattraperas largement car avec le chômage, non seulement ton compte en banque va se retrouver à la diète mais également ta vie sociale qui ne résistera pas à un tel choc. Adieu les belles soirées entre amis, les week-ends à la montagne (tant mieux, t’as horreur du ski et de la neige) ou sur la Côte d’Azur (quel intérêt de se bourrer la gueule au bord de mer avec du vin millésimé hors de prix quand on a le même plaisir avec du pinard local au bord d’une piscine gonflable d’enfants ?) Tu peux rédiger un communiqué de presse pour annoncer que ta déchéance a réellement commencé…